( Nella foto l'autore dell'articolo nella Groenlandia Orientale)
A Parigi c'è stato un importante congresso di studi sugli inuit.
Ho preparato un breve lavoro per l'occasione. Sul blog non pubblico tutto l'articolo, ma solo alcune parti. Ho tolto le note e la bibliografia.
Notes d’un voyage au Groenland oriental.
GIANLUCA FRINCHILLUCCI
Résumé/Abstract :
Cet article entend présenter brièvement deux aspects de la culture inuit traditionnelle dans leur contexte contemporain: la langue et « le parfum de l’âme », une synesthésie commune à d’autres sociétés. L’informateur est un chasseur de quarante-cinq ans environ (district d’Ammassalik), et l’interprète, un alpiniste du Haut Adige qui vit depuis plus de vingt ans dans ce district.
Mots clef : Inuit, Groenland, chamanisme, âme, synesthésie, Ammassalik, chasse.(...)
L’entretien
Cette communication retranscrit nos entretiens avec notre principal informateur : T. I., chasseur d’Ammassalik. Son grand ami R. P., alpiniste du Haut Adige, a assuré la traduction depuis le dialecte oriental du groenlandais vers italien : lui-même vit à Ammassalik depuis plus de vingt ans et connaît parfaitement les traditions locales. Les conversations ont été enregistrées en septembre 2002, mars 2003 et en août 2005 par mes soins.
La question envisagée était essentiellement double : la langue et le concept, décrit par Ignatussen et confirmé par P., de «parfum de l’âme », mythe étiologique expliquant la signification et la raison de la coutume sociale qui veut que les Inuit se saluent en se frottant le nez ou se reniflant.
Tobias Ignatussen ne connaît pas avec précision son âge, il pense avoir à peu près quarante cinq ans, et comme son père, il est chasseur de profession. Lors de nos conversations, il évoque longuement son rapport avec la chasse et le phoque. Il affirme « sentir » la présence de cet animal, même à une très grande distance ; par ailleurs, il peut comprendre s’il s’agit d’une femelle dont ses petits ont besoin ou d’un animal qui peut être chassé par les hommes. D’emblée, il précise que les Occidentaux le perçoivent comme un « monstre », parce qu’il tue des phoques ; il connaît très bien la campagne de Greenpeace contre l’abattage des bébés phoques. Mais à l’instar des autres chasseurs d’Ammassalik, il n’a jamais tué de bébés phoques.
Je l’interroge sur ses débuts de chasseur : « … j’ai commencé dès l’enfance, mais je ne rappelle pas à quel âge précisément, car j’étais trop jeune. Je sais seulement qu’à quatre ans j’avais déjà tué mon premier phoque. Je ne suis pas allé à l’école parce que je chassais avec mon père. Les chasseurs tournaient pour voir où les phoques se trouvaient et quand ils étaient sûrs de l’endroit, ils construisaient une maison de terre. C’est pour cette raison que je ne connais pas l’endroit où je suis né. Durant mon enfance, nous sommes remontés de 250 km vers le nord, vers Tasiilaq. »
Quel rapport entretient-il avec les proies ?
« Pour moi, le phoque c’est la vie; sans lui, je mourrais tout de suite ».
Il dit éprouver également beaucoup de respect pour l’ours blanc et la baleine. Parler avec les animaux, avec le requin par exemple :
« Je lui présente mes excuses pour l’avoir chassé et une fois que je l’ai tiré sur la glace, je grave sa nuque. À travers le trou ainsi dessiné sort l’âme qui retourne à la mer et s’adresse aux autres requins : “Laissons tranquilles ces chasseurs, si nous dévorons tout le poisson ils n’auront plus rien à manger et mourront – allez-vous-en d’ici” ».
Nous avons soumis à T. I. le questionnaire ethnolinguistique et élaboré les échantillons recueillis. Il nous a raconté que sa première langue, écrite et parlée, est le groenlandais occidental (kalaalliut). Il parle également le danois, ainsi qu’un anglais correct. Chez lui, ce père de famille, tente de maintenir le groenlandais oriental. Il nous explique que le problème de la langue est une affaire des plus sérieuses pour ses enfants : en effet, l’école enseigne le groenlandais occidental là où la famille Ignatussen vit en groenlandais oriental, là où les enfants devront connaître le danois à l’âge adulte.
Selon T., l’école devrait aussi enseigner le groenlandais oriental à l’aide de supports déjà existants, comme les poésies, les chants et les textes traditionnels ; pour sa pratique et sa diffusion, la radio pourrait être un relais efficace, en complément de la télévision locale qui ne transmet des programmes en groenlandais oriental que deux heures par jour.
Un élément essentiel de nos conversations avec T. est « le parfum de l’âme ». T. explique que, pour connaître la nature d’une personne, il est très important de sentir « l’odeur de l’âme ». Pour ce faire, il faut s’approcher des narines de l’autre et inspirer fortement. Il est ainsi possible, par le nez, de « sentir » directement le « parfume de l’âme » et de comprendre aussitôt si la personne est bienveillante ou malveillante. R. P. qui traduit, confirme :
« On raconte qu’au Groenland nous nous embrassons avec le nez. C’est une blague, ce n’est pas vrai. Les Groenlandais s’embrassent avec la bouche comme tout le monde, mais également avec le nez. C’est une approche très intéressante, et qui n’a rien d’érotique ou de sexuel, non, pas du tout ! Les interlocuteurs ainsi en présence se voient, se regardent dans les yeux et puis se rapprochent ; les yeux ne sont qu’une partie des choses, mais l’odorat, le nez complètent l’approche. Si tu es presque leur ami ou s’ils veulent te connaître mieux, alors ils te permettent d’approcher, t’enlacent et, de leur nez, cherchent le tien pour percevoir ensuite « l’odeur de ton âme ». Ils disent que cette âme est première ; les bras les pieds ont également une âme, mais secondaire. L’âme principale demeure, à leurs yeux, dans le cœur. C’est celle-ci qui dégage une odeur. »
La perception de cet élément archaïque est commune à d’autres contextes chamaniques et ethnographiques ; on le retrouve ainsi dans le nord des Andes péruviennes où le chaman perçoit la puanteur, l’odeur de mort qui l’avertit de l’esprit malfaisant (mal corazón) émanant d’un individu, comme en témoigne Mario Polia .
Quelques peuples du Nord disent que le soleil, la lune « chantent » ou « sifflent » leur lumière , et le professeur Cesare Pitto, lors d’un travail de terrain au Nunavut, a observé que des Inuit sifflent à l’aurore boréale pour la voir danser .
Dans la tradition religieuse chrétienne, il existe une phénoménologie qui présente quelques aspects analogues et auxquels on a communément donné la définition d’« odeur de sainteté », c’est-dire le signe tangible d’une élévation spirituelle et d’une participation à la communion des saints qui se traduisent par divers signes, comme la non corruption du cadavre.
Cette synesthésie est également présente dans la tradition littéraire, notamment dans la poétique, en Occident comme en Orient ; il suffit de rappeler par exemple, cet extrait de Tacite :
«Au-delà des Suioni nous trouvons encore une autre mer, tranquille et presque stagnante. Si l’on croit que cette mer constitue l’extrême limite qui entoure la terre, c’est parce que les derniers feux du couchant hésitent jusqu’à l’aurore, avec une luminosité qui fait pâlir les étoiles. On raconte qu’il est possible d’écouter le lever du soleil au-dessus des vagues et de voir la forme de ses chevaux ainsi que les rayons sur sa chevelure »
Ou encore au Japon cette jolie synesthésie qui affleure dans un des haikus du célèbre Matsuo Bashô (1644-1694) :
Umi kurete La mer qui sombre
Kamo-no koe Le cri d’oies sauvages
koroga-ri shiroshi Blancheur évanescente
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